Coups de projecteurs sur Le Rapport Bergier

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Les projecteurs, seuls éléments de décor sur la scène confidentielle du Petithéâtre de Sion, révèlent l’un des sujets le plus brûlant de notre actualité en balayant un pan de l’histoire suisse.

Les faits : en 1996, une commission d’experts est mandatée par la Confédération pour enquêter sur l’attitude de la Suisse face au régime national-socialiste allemand. Chargée entre autres de faire lumière sur la question des fonds en déshérence, la commission, présidée par l’historien Jean-François Bergier, a publié cinq ans plus tard une série de monographies comptant près de 10'000 pages.

La politique suisse à l'égard des réfugiés de la persécution nazie, révélée par cette étude, trouble autant qu’elle dérange. Et c’est de ces sentiments que le metteur en scène José Lillo se nourrit, pour donner vie à ses textes. Une prose mêlée de poésie pour se soulever contre le déni, et qui interpelle quant à la nécessité de revoir la réception que le public fait du Rapport Bergier.

Autour de la scène, des sièges vides laissent soupçonner une accusation. Évoquent-ils l’absence des victimes ? Soulignent-ils un absentéisme plus général ? Engagent-ils la responsabilité des spectateurs ? Ces sièges rappellent que ce sont les réfugiés, les acteurs principaux du drame.

Le Rapport Bergier nous place face aux résonnances de notre histoire. La pièce force non seulement le spectateur à remonter aux racines de l'Überfremdung, ou de la question de la surpopulation étrangère, mais dénonce en passant « l’économie de salive », et « l’indifférence meurtrière » des Suisses.

Sur la scène vide les talentueux Maurice Aufair, Felipe Castro et Lola Riccaboni se relayent avec éloquence, sans pour autant se passer la réplique. Ils s’approprient du rapport en jouant les textes de façon déstructurée et rythmique, d’un ton où se mêlent regret, colère et incompréhension. Et une pointe d’envie de tourner la page, aussi. Le langage de leurs monologues est particulièrement fin, rempli à ras bord de jeux de mots et de double-sens ; sans doute la pièce doit-elle être vue plusieurs fois, pour permettre l’accès à ses différentes couches.

Après 75 minutes durant lesquelles le spectateur réceptionne non pas un documentaire mais une suite de variations autour du Rapport Bergier, il se relève d’abord avec le sentiment fastidieux que le prix payé pour garantir la prospérité actuelle était irrecevable. Puis il doit faire les comptes avec cette actualité qui le rattrape, et veut pouvoir se dire que si l’homme est faillible, il apprend de ses erreurs. A chacun d’entre nous maintenant le devoir d’accepter que nos choix d’aujourd’hui déterminent l’humanité de demain.

Le Rapport Bergier, à voir ou revoir au Petithéâtre de Sion jusqu’au 15 octobre.

Créé le 14.10.2016 par Nathalie

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