JEUDI POÉSIE du 4 juillet 2019 - "Berceuse moderne" par EA

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Aujourd'hui, "Berceuse moderne" par EA

Sous le soleil du monde, l’humanité déployée s’agite.

Les jours se suivent et terriblement se ressemblent. Ils sont comme des vagues venues s'éclater contre les rochers du temps, ne laissant derrière elles que l'écume mousseuse de nos vies réduites à néant.

Tout est si furtif.

Ce que l'on a pu rêver de la vie jusqu'alors n'est pas aussi savoureux qu'il semblait l'être. Ou bien n'a jamais existé que comme une création de nos esprits candides.

Désillusion.

On découvre la part d’ombre de cette vie qu'on nous dépeignait comme toute lumineuse. Plus rien n'est infaillible. On devient méfiant, craintif.

Soudain on a peur de la vie.

Et c'est trop tard. Jamais plus on ne saura retrouver la légèreté d'antan. La rêverie d'autrefois. Les émotions les plus vives sont perdues à jamais.

L’écran devient la fenêtre sur le monde.

Un réveil machinal, des gestes mécaniques, une vie systématique. Le travail, le broyeur de nos émotions. Toute une vie épuisée par un labeur insensé. Un temps précieux consumé. Le dernier éclat d'une vie qui s’achève.

Les disques durs de nos machines sont les boites noires de nos vies.

Secrètement on espère valoir d'être découvert. Et qu'alors seulement on saura provoquer l'émotion chez l'autre. Au mieux le remord, celui de ne pas avoir su voir qui l'on était de notre vivant.

Laisser une trace, la preuve de son passage ici-bas.

On désire plus que tout marquer les esprits. Survivre à travers eux. L'angoisse existentielle la plus profonde ou celle de ne jamais avoir été, avant même de ne plus jamais être. Refuser d'avoir vécu en vain.

La vie est un cri. Un hurlement que, par pudeur et bienséance, on étouffe.

Et puis au matin, l’atmosphère singulière des jours de pluie. La route, ensemble à l'abri dans la voiture. Les perles d'eau qui font la course sur nos vitres. Le délicat petit bruit de leur chute.

Trop rare sérénité.

Et le ballet du duo d'essuie-glaces, en mesure, comme le métronome. Berceuse moderne. La fin du voyage, la voiture s’arrête et l’on voudrait ne jamais en sortir.

L'oisiveté.

Les mains croisées dans le dos, le pas lent et curieux. Le regard insistant, partout. Les petits bavardages, l’entrain du partage. Le parfum exquis d'un soleil ardent qui éclaircit l’âme et réchauffe les entrailles. Le bruit serein de l’avion au loin. Les points d'arc-en-ciel révélés sur le mur. Le soleil humide des premiers jours de printemps.

Le parfum de la vie naissante.

EA

Créé le 04.07.2019 par Elodie

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