KAMP

Auschwitz. Devant nous va se dérouler une journée « ordinaire » dans le quotidien du camp. Sur la scène, des milliers de marionnettes d’à peine huit centimètres représentent les détenus et leurs gardiens.

Auschwitz. Devant nous va se dérouler une journée « ordinaire » dans le quotidien du camp. Sur la scène, des milliers de marionnettes d’à peine huit centimètres représentent les détenus et leurs gardiens. Une maquette impressionnante reproduit le site avec précision. Tout y est : les baraquements surpeuplés, les rails de chemin de fer, les potences, les chambres à gaz, les miradors et les barbelés, la devise glaçante Arbeit macht frei, l’effroi sur les visages des déportés. Dans ce monde miniature à l’efficacité vertigineuse, les figurines sont manipulées par les trois artistes du collectif Hotel Modern. Ils circulent sur le plateau, une caméra à la main. Celle-ci s’introduit partout et projette ce qu’elle capte sur un écran géant. Nous devenons alors les témoins silencieux de l’inhumanité faite homme. Aucun dialogue, aucune parole n’est prononcée dans ce temps de l’indicible ; seule défile une bande-son percutante.

Kamp réussit l’alliance parfaite, cathartique, d’un réalisme documenté et d’une transfiguration poétique. Pour ne pas oublier, pour ne plus laisser la barbarie prendre le dessus sur la civilisation. Un spectacle-phénomène qui marque durablement.

Kamp a été créé en 2005. Depuis, il n’a cessé de tourner. Derrière ce spectacle littéralement extra-ordinaire se trouve la compagnie néerlandaise Hotel Modern et le talent foisonnant de trois artistes : les comédiennes Pauline Kalker et Arlène Hoornweg, ainsi que le plasticien et performeur Herman Helle. Ce collectif, fondé en 1997, élabore un univers personnel et expressif, infusé de poésie, où marionnettes, art visuel, film, musique et performance s’entrecroisent. L’utilisation de maquettes et de petites caméras y est récurrente. S’il aborde fréquemment le thème de la guerre, le collectif échafaude aussi des propositions scéniques plus légères. Idéalistes autoproclamés, les membres de Hotel Modern affirment que le théâtre peut offrir une forme de réconciliation et de consolation dans une société où l’autre est souvent source de peur.