Une Passion russe ressucitée
En première européenne, In illo tempore, dir: A. Traube, présente la somptueuse « Semaine de la Passion » de 1923 de Maximilian Osseievitch Steinberg, oeuvre chorale de 4 à 12 voix, cachée pendant la dictature bolchevique et retrouvée récemment.
C’est l’une des découvertes musicales majeures de notre temps, l’équivalent pour la musique orthodoxe slave de la réapparition des Vêpres de Rachmaninov à la chute du Rideau de fer : la Semaine de la Passion (Страстная седмица) de 1923 de Maximilian Osseievitch Steinberg (1883-1946), créée pour la première fois en 2014. Une oeuvre monumentale pour choeur a cappella de quatre à douze voix avec solos. D’une beauté à couper le souffle, elle conjugue en une inspiration profondément originale, voire géniale, les acquis de l’écriture symphonique (dont Steinberg, beau-fils de Rimski-Korsakov et professeur de Chostakovitch était un maître), la redécouverte au début du 20e siècle des vieux modes et mélodies russes, ainsi qu’une connaissance inégalée en Russie de l’antique contrepoint occidental. Elle invente des procédés musicaux qu’on ne retrouve que cinquante ans plus tard sous la plume des plus célèbres compositeurs orthodoxes contemporains, tels John Tavener et Arvo Pärt. Écrite peu après l’arrivée au pouvoir de la dictature bolchevique, l’oeuvre, qui compile en un oratorio une dizaine de chants de la semaine de la Passion, est à la fois un cri de révolte contre cette dictature et une profession de foi en l’Amour crucifié. Dans un tel contexte, elle n’a jamais pu être interprétée en Russie et est arrivée en Occident sous le manteau, demeurée oubliée jusqu’à sa réapparition il y a quelques années aux Etats-Unis. La profondeur de l’inspiration de Steinberg liée au contexte d’un peuple privé de liberté fait de sa Passion une oeuvre actuelle, aujourd’hui où plus que jamais les victimes innocentes sont immolées et le monde gémit en quête de beauté.