Kalavrita des mille Antigone, oratorio parlé
Un petit bijou d'émotion et d'humanité
En décembre 1943, les troupes allemandes, harcelées par les partisans, encerclent le village de Kalavrita, dans le Péloponnèse. Elles vont y fusiller tous les hommes de 16 à 70 ans. En 1982, Charlotte Delbo, militante communiste rescapée d'Auschwitz, visite le village. Elle va en tirer une nouvelle bouleversante, qui met en exergue tant l'implacable froideur de la logique militaire que la grande noblesse des paysannes acharnées à rendre leurs morts un dernier hommage. Ce sont elles, les milles Antigone.
L'extrême sobriété du texte a imposé un choix radical de simplicité quant à la mise en scène. "Kalavrita des mille Antigone" est donc un oratorio parlé.
Musique et voix sont acoustiques, le décor est nu. Tout est mis en oeuvre pour éclairer le texte avec la plus grande simplicité, surtout sans le polluer avec un pathos larmoyant.
Philippe Campiche et Isabelle Bouchet sont dans un rôle de guide et de témoin. A côté d'eux, les musiciens soulignent, ponctuent leur cheminement.
Le spectacle recherche l'émotion pure, la beauté afin d'en faire une sorte de cérémonie pour exorciser le mal, comme les femmes de Kalavrita ont fait avec leurs morts, comme les folles de Buenos Aires qui tournaient pour retrouver la trace de leurs enfants. Peut-être la beauté est-elle une antidote à l'horreur?
Charlotte Delbo parle certes d'un massacre, et de l'indicible douleur qu'il engendre. Mais elle parle avant tout de la vie, des enfants qu'il faut nourrir, des bêtes à soigner, des morts à enterrer "comme on doit" afin que les vivants puissent continuer leur chemin.
Elle révèle ainsi l'incroyable force collective de ces femmes qui ensemble vont trouver la force d'affronter ce drame et de témoigner. Au fonds du désespoir, elles vont rester dignes et faire face. En rendant hommage à leurs morts, elles opposent l'humanité à la barbarie. Une magnifique réaction qui contribue à donner à ce texte un souffre aussi puissant.