Contes Immoraux - Partie 1 : Maison Mère

Manifestation terminée

Étaler, tracer, couper, assembler, poser, puis recommencer encore. Tout semble parfait si ce n’est ce nuage qui semble s’épaissir et s’assombrir…

Phia Ménard est une artiste venue du cirque et qui défie les disciplines artistiques. Mi-clown mi-guérillère futuriste, elle bâtit seule une grande maison de carton comme un abri ou un Parthénon, un symbole précaire pour dire les fondations (fragiles) de la Cité… et ses destinées incertaines face aux éléments. Alors elle prouve que l'humour, le déséquilibre et peut-être la destruction feront aussi partie des mondes à venir.

GENÈSE par Phia Ménard

Cirque Marshall

En 1943, afin que les troupes Alliées contre l’Axe puissent engager leurs troupes sur le sol européen, la stratégie du tapis de bombes fut pour toute l’Europe occidentale un drame humain sans précédent. Des villes entières furent détruites ensevelissant leurs habitants. Mon grand-père maternel fut de ces victimes lors des bombardements de la ville de Nantes. Dans mon enfance, l’image d’une bombe n’avait pas de réalité dramatique mais comme pour tout enfant, une certaine forme de fantasme. Ce n’est qu’en réalisant bien plus tard que nous n’allions pas honorer une tombe pour mon grand-père mais une fosse commune que je réalisai l’infamie de la bombe. Peut-être est-ce à ce moment-là que mon esprit percuta sur le « plan Marshall » de reconstruction de l’Europe. Organiser une destruction et gérer la reconstruction suivant un modèle de maison préfabriquée et d’une réécriture de l’aménagement urbain.

Bâtir un village « Marshall » en carton sur mesure, comme on monte une série de tentes pour des réfugiés. Ici, juste au-dessous d’un nuage qui ne semble pas si menaçant.

Simple geste répété comme un robot. Étaler, tracer, couper, assembler, poser, puis recommencer encore. Tout semble parfait si ce n’est ce nuage qui semble s’épaissir et s’assombrir. Peut-être, un éclair, une légère brise puis enfin une série de grosses gouttes puis une pluie, voire peut-être même des trombes d’eau ! Le village Marshall s’effondre malgré l’énergie déployée pour le sauver. C’est une bouillie, mélasse dans laquelle les corps sont noyés…

Depuis Athènes

No Future, fuck off power ! Fuck off patriarchy !

Telle est l’entrée. Celle des années 80, de Margaret Thatcher, Ronald Reagan et des théories des Chicago boys, les chantres du « There is no alternative » pour un libéralisme sans retenue. J’ai gardé le souvenir des grandes grèves des mineurs anglais soutenues par les chants rugueux des Sex Pistols. Les Punks aux crêtes multi-couleurs qui refusaient de contribuer à ce monde « sans futur ». Des décennies se sont écoulées et je ne cesse de me dire qu’ils étaient des visionnaires : un monde d’injustices dont la majorité ne peut vivre décemment, lorsqu’une poignée d’individus tire profit.

C’est sous nos yeux, l’insupportable pauvreté au milieu de la richesse. C’est au coin d’une rue, ou dans un passage entre deux chaussées, qu’apparaît un abri de fortune, fait de planches, plastiques et cartons. Les « maisons » des survivants d’un système qui les exclut du droit de vivre dans la dignité. Eux, à Paris, Berlin, Londres, comme Athènes, les oubliés du ruissellement d’un mirage financier.

J’étais à Athènes en 2016 lorsque les dirigeants nord européens ont décidé de mettre la Grèce sous tutelle économique et de gouvernance pour une doxa : l’équilibre budgétaire ! La construction Européenne s’est alors transformée pour le peuple grec en désastre humain. Je voyais les migrants décharnés que les Grecs démunis accueillaient. Je voyais la pauvreté tenue à l’écart par la police et quelques rues plus loin, ces masses de touristes (européens) parcourir le quartier de l’Acropole, défiler avec exubérance.

J’ai pensé une « Maison » faite de carton (un « Carthénon »), une copie en carton échelle 1/10e de la merveille de l’antique Parthénon d’Athènes. Une maison en kit, manufacturée sur le principe d’un jeu pour enfant d’Ikea. Un jeu, une maison, une cabane pour adulte. Une plaque de carton recouvre entièrement la scène. Assise, impassible au lointain, une figure entre guerrière et punk observe. Le processus commence. Méthode et minutie, déchirer, plier, soulever, équilibrer ; lentement s’érige une forme symbolique : une maison.

La Maison Mère est la naissance laborieuse et périlleuse de la cité, un conte de l’épreuve humaine qui ne peut rien contre les éléments. Je veux faire parler une ruine et pour cela convoquer une déesse et des oracles. Pour cela il faut batailler pour un résultat incertain, préférer la paix du marbre pour le crissement du carton. Je veux construire la première maison pour Europe. Je suis une Athéna punk, une guerrière…

Genèse

En 2016, non sans surprise, nous recevons par courrier une invitation de la Documenta [une importante manifestation artistique qui se tient tous les 5 ans à Kassel en Allemagne, ndr].

L’objet est la commande d’une œuvre performative ou d’une installation de la quinquennale d’art contemporain documenta d14 sous le commissariat d’Adam Szymczyk et Paul B. Preciado.

Cette édition tenait en deux interrogations comme fil conducteur : « Apprendre d’Athènes » et « Pour un Parlement des Corps ».

Après avoir séjourné à Kassel et Athènes, j’ai choisi de travailler autour d’Athènes. Pour nous Européens, la République d’Athènes est un berceau de mythes, une histoire étudiée autant que romancée, la capitale de naissance de la philosophie autant que du théâtre.

Kassel pourrait s’enorgueillir d’être la patrie des frères Grimm, mais comme beaucoup de villes allemandes, c’est l’encombrante tâche historique du passé nazi de 1933 à 1945 qui marque la cité. C’est dans cette ville en ruines de l’après-guerre au milieu d’une Europe détruite que fut imaginé de reconstruire et soigner une population par l’art et l’éducation avec la « documenta ». Ce projet majeur a été institué pour prévenir et soigner la possible rechute de cette infection.

Age conseillé
Adolescents, Adultes, Seniors
Date de fin
5.03.2023
Durée
75 minutes
Réalisation
Phia Ménard Jean-Luc Beaujault
Avec
Phia Ménard
mar. 28 févr. 2023
19:00

Théâtre de Vidy

Salle Charles Apothéloz
Av. E.-Jacques Dalcroze 5
1007 Lausanne

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Tarifs

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10.-*/15.-/20.-/25.-/30.-/40.- CHF

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Tarif suggéré pour ce spectacle 25.-

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Dates

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