La Mouette

Une performance filmique virtuose : une caméra saisit le trouble incestueux de Treplev, le jeune artiste, face à sa mère Arkadina, la belle actrice éprise de l'auteur Trigorine...

Une performance filmique virtuose : une caméra saisit le trouble incestueux de Treplev, le jeune artiste, face à sa mère Arkadina, la belle actrice éprise de l'auteur Trigorine. En alliant théâtre et vidéo et en jouant sur les ambiguïtés des différents points de vue, le metteur en scène propose une version émouvante et intense des conflits de générations, des trios amoureux et des enjeux de l'art si finement décrits par le dramaturge russe.

NOTE D'INTENTION

par Cyril Teste (extraits)

Écrire un spectacle d’après Anton Tchekhov, c’est écrire à partir de sources variées, sa pièce, ses lettres et ses nouvelles, mais aussi sur une variété de supports scénographiques. C’est privilégier le fragment, l’ouverture, voire l’éclatement, à l’unité ; renoncer enfin à trouver la vérité de La Mouette pour lui substituer le projet de seulement la « mettre en travail ».

Le seul désir est celui de pratiquer l’oeuvre : la pratiquer pour mieux la prendre avec soi, pour peut-être, la sentir plus proche de soi. Être, à cet endroit aussi, dans la logique de l’atelier, lieu où la rature le recommencement et le risque sont encore possibles, où l’expérimentation, l’expérience de la matière et l’énergie de la création reste finalement un sujet essentiel. « Percevoir la beauté infinie de ce qui nous entoure et chercher à en exprimer la sensation » tel est le devoir du peintre selon Isaac Levitan.

Notre écran sera bien autre chose qu’un aplat sur lequel on projette. Semblable à une peau, les images y feront surface comme si elles venaient du fond des fonds, et se révélaient soudain à notre regard, et à notre sensibilité.

La Mouette est aussi un nouveau laboratoire sur la performance filmique à travers lequel nous allons explorer autrement la notion de fiction en temps réel. […] Mon ambition est moins de mettre en scène des images que de révéler des émotions, possiblement en voie de disparition. […] Nous serons plus proches d’un travail de juxtaposition d’images en picture in picture pour essayer de raconter les états spasmodiques de nos personnages. […] Capter des énergies brutes au plateau, être au plus près des acteurs pour filmer des émotions réelles. Ne plus chercher à filmer l’événement mais seulement son impact sur les corps : c’est ce que fera ici notre caméra. Une caméra qui travaillera en complicité avec le théâtre pour saisir l’énergie du geste et la magie de la présence.

Peau, sensualité, désir, érotisme seront donc les maitres-mots du travail que nous conduirons.

Il s’agit de faire aboutir l’étude sur le fragment entamée avec la trilogie Festen /Hamlet /La Mouette - étude sur le visage, la main, le cou – en nous rapprochant un peu plus encore de l’acteur. Manière aussi d’épaissir le hors-champs jusqu’au vertige, et d’en faire le lieu de tous les possibles.