Sinfonietta de Lausanne Saison 2017–18
Une invitation au voyage. Dans son célèbre poème, Baudelaire invite sa bien-aimée à le suivre dans un pays idéal. Mais «l’invitation au voyage», n’est-ce pas davantage le mouvement que le but, le départ que l’arrivée? ...
N’est-ce pas ce changement d’air si nécessaire pour pouvoir ensuite se retrouver?
Telle est l’invitation que vous fait, saison après saison, le Sinfonietta de Lausanne: invitation à redécouvrir de grandes pages du répertoire, comme la Tragique de Schubert ou la Pastorale de Beethoven, mais aussi à défricher des terres plus rares, mais ô combien accueillantes, quand on fait l’effort d’aller s’y promener. Elles jalonnent tous les programmes, du terroir auvergnat de Chabrier aux danses torrides de l’Espagne redessinées par de Falla pour son Tricorne, en passant par les vieux livres de tablatures pour luth que dépoussière l’Italien Respighi en pleine Première Guerre mondiale. Et que dire des baguettes qui voguent d’un invité à l’autre? De Forés Veses l’Espagnol basé en Auvergne à Takács-Nagy le Hongrois installé en Suisse, en passant par Guschlbauer le Viennois électron libre, Reiland le Belge entre Luxembourg et Saint-Etienne, Meyer le Français qui fait mouche en Asie et Kawka l’autre Français œuvrant sous le soleil de Toscane...
Résisterez-vous à l’appel ou resterez- vous enfermé là où «tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté»?
Concert 2 / Daniel Kawka, direction / Chabrier, Respighi, Dallapiccola, Poulenc - Casino de Montbenon
Salle Principale
Allée Ernest-Ansermet 3 1003 Lausanne
1003 Lausanne
Emmanuel Chabrier
Suite pastorale
Ottorino Respighi
Antiche danze ed arie, suite 1
Luigi Dallapiccola
Piccola musica notturna
Francis Poulenc
Sinfonietta
Daniel Kawka
Direction
Cela peut sonner comme une lapalissade, mais il est bon de le rappeler: à l’exception de l’art brut (et encore...), nulle musique d’hier comme d’aujourd’hui ne saurait revendiquer une naissance du «néant». Entendez: l’absence totale de points d’ancrage historiques. À partir de là, toutes les nuances sont possibles. Ce programme en est un bel exemple, donnant à entendre des œuvres entretenant des rapports très contrastés avec leur environnement: Chabrier, dans sa Suite pastorale, fait vibrer les cordes d’une terre qui lui est chère (l’Auvergne), sans pour autant calquer ses notes sur celles du patrimoine folklorique ; Poulenc part du modèle de la Symphonie classique de Prokofiev pour façonner sa Sinfonietta ; Respighi, dans ses Antiche danze ed arie, redonne vie sur instruments modernes à des tablatures pour luth des 16ᵉ et 17ᵉ siècles et Dallapiccola fait croire à un hommage à Mozart avec sa Piccola musica notturna alors qu’il puise chez Bartók, Schönberg et dans la poésie d’Antonio Machado. Le tracé du lien entre création et réappropriation est à chaque fois l’objet d’une subtile partie de cache-cache, d’où nulle vérité définitive ne saurait émerger.