Sinfonietta de Lausanne Saison 2017–18
Une invitation au voyage. Dans son célèbre poème, Baudelaire invite sa bien-aimée à le suivre dans un pays idéal. Mais «l’invitation au voyage», n’est-ce pas davantage le mouvement que le but, le départ que l’arrivée? ...
N’est-ce pas ce changement d’air si nécessaire pour pouvoir ensuite se retrouver?
Telle est l’invitation que vous fait, saison après saison, le Sinfonietta de Lausanne: invitation à redécouvrir de grandes pages du répertoire, comme la Tragique de Schubert ou la Pastorale de Beethoven, mais aussi à défricher des terres plus rares, mais ô combien accueillantes, quand on fait l’effort d’aller s’y promener. Elles jalonnent tous les programmes, du terroir auvergnat de Chabrier aux danses torrides de l’Espagne redessinées par de Falla pour son Tricorne, en passant par les vieux livres de tablatures pour luth que dépoussière l’Italien Respighi en pleine Première Guerre mondiale. Et que dire des baguettes qui voguent d’un invité à l’autre? De Forés Veses l’Espagnol basé en Auvergne à Takács-Nagy le Hongrois installé en Suisse, en passant par Guschlbauer le Viennois électron libre, Reiland le Belge entre Luxembourg et Saint-Etienne, Meyer le Français qui fait mouche en Asie et Kawka l’autre Français œuvrant sous le soleil de Toscane...
Résisterez-vous à l’appel ou resterez- vous enfermé là où «tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté»?
Concert 6 / Beatrice Berrut, piano, Roberto Forés Veses, direction / Granados, Ravel, Debussy, de Falla - Salle Métropole
Rue de Genève 12
1003 Lausanne
Enrique Granados
Goyescas, Intermezzo pour orchestre
Maurice Ravel
Concerto pour piano en sol majeur
Claude Debussy
Nocturnes, extraits
Manuel de Falla
Le Tricorne, suites n° 1 et 2
Beatrice Berrut
Piano
Roberto Forés Veses
Direction
Deux Espagnols, deux Français, une époque – cette charnière si féconde des 19ᵉ et 20ᵉ siècles, basculement du romantisme finissant vers une multitude de possibles: impressionnisme, expressionnisme, atonalisme, néo-classicisme... Des pôles d’attraction divergents selon l’endroit où l’on se situe: d’un côté, Paris capitale des arts pour ces artistes ibériques qui ne trouvent pas dans leur pays, ravagé par les guerres, un terrain d’expression à la hauteur de leurs ambitions; de l’autre, l’Espagne vécue ou fantasmée par ces Gaulois en quête d’exotisme, de nouveaux rythmes, de couleurs plus intenses... de chaleur! De l’Espagne et même du monde, si l’on pense au Concerto en sol de Ravel, parsemé de clins d’œil au jazz et à la vie trépidante des Américains du Nord (auxquels il avait rendu visite quelques mois). Au monde et même au-delà, si l’on suit Debussy dans les Nuages de ses Nocturnes, qu’il dit être ceux de Paris mais qui pourraient tout aussi bien être ceux de Madrid; de même que les Fêtes, situées par l’auteur au Bois de Boulogne, pourraient être, avec un peu d’imagination, transposées au-delà des Pyrénées... Debussy n’a-t-il pas avec Ibéria prouvé le cosmopolitisme de sa plume?